dimanche 31 août 2008

CONSCIENCE ET DISCERNEMENT



« Au-dessus du pape en tant qu’expression de l’autorité ecclésiale, il y a la conscience à laquelle il faut d’abord obéir, au besoin même à l’encontre des demandes de l’autorité de l’Église ». (Joseph Ratzinger alias Benoît XVI, 1967)



Le troisième millénaire s’ouvre sur un horizon où la conscience personnelle sera à la source des décisions, des attitudes et des comportements qui s’inscrivent dans le quotidien de la vie des individus et des peuples. On se référera de moins en moins aux institutions sociales, juridiques, politiques, religieuses et idéologiques pour fixer et encadrer nos vies. Elles n’ont plus la crédibilité nécessaire pour imposer quelque vision que ce soit du bien et du mal. Leur discrédit historique leur a enlevé ce pouvoir. Les hommes et les femmes du troisième millénaire trouveront en leur âme et conscience les fondements de leurs décisions et de leurs engagements. Ils en seront pleinement responsables.

Aujourd’hui, plus que par le passé, nous réalisons les limites de tout encadrement extérieur. L’histoire nous révèle, en effet, comment les multiples formes d’encadrement ont été le plus souvent ou très souvent des lieux privilégiés d’abus de pouvoir et de manipulation des esprits, des chasses gardées d’ambitieux, d’hypocrites et de dominateurs. Dans bien des cas, les temples, bâtis de mains d’homme comme sont les hiérarchies politiques, économiques, ecclésiales, sociales et culturelles, s’emparent subtilement des consciences individuelles et collectives comme pour mieux les manipuler. Sous l’emprise de ces dernières nous avons tous et toutes
[1] été, à la fois et à divers degrés, victimes et solidaires de crimes et d’horreurs commis contre l’humanité. Les gouvernements que nous soutenons, les religions que nous défendons, les organismes que nous appuyons ont tous les mains souillées de quelques crimes ou d’injustices. Si nous avons des réquisitoires à présenter pour les offenses reçues, nous avons également des pardons à demander pour des fautes commises par l’une ou l’autre de ces institutions dont nous nous affirmons solidaires.

La conscience crie en chacun de nous quelque chose qui s’impose comme une force qui interpelle, comme une passion qui pousse à agir. À la manière de Socrate (Apologie), nous entendons la voix du dieu qui nous invite sur le chemin de la Vérité qui libère des apparats et des faux-fuyants. À la manière de Jérémie et d’Isaïe, nous entendons la voix de Yahvé qui dit de nous préoccuper davantage du culte qui consiste à apprendre à faire le bien, à chercher ce qui est juste, à assurer les droits à l’opprimé, à faire justice à l’orphelin, à défendre la veuve et l’étranger (Is.1, 17 ; Jr. 22,3). À la manière de Jésus, nous entendons le sermon sur la montagne qui nous ramène aux choses essentielles de la vie. Saint Paul ne nous dit-il pas que nous sommes le temple de l’Esprit-Saint qui est en nous et qui nous vient de Dieu (1 Cor.6, 19) ? Ce langage, qui remonte à plusieurs millénaires, a constamment été repris par les sages et les prophètes de tous les temps et, d’une certaine manière, par la conscience qui veille en chacun de nous. Il nous rappelle ces vérités fondamentales auxquelles l’humanité tout entière est conviée.

En ce début du troisième millénaire, nous sommes évidemment sollicités de tout bord et de tout côté. Notre regard ne peut plus se contenter de son petit horizon. Les moyens de communication nous confrontent et nous interpellent quotidiennement par rapport à ce qui se passe dans le monde. Nos solidarités sont constamment interpellées et, bien souvent, nous sommes pris au piège de causes qui n’ont rien à voir avec nos véritables intentions. La force des médias et la subtilité des messages parviennent, habilement, à nous convaincre. Que l’on pense à l’histoire du petit Cubain, Elian, que l’opposition cubaine à Miami, avec l’appui des médias, est parvenue à convertir en un mouvement politico-religieux. Comment, en pareille situation, trouver les critères et les références qui permettent le discernement des vraies solidarités humaines ? Nous pourrions relever, dans tous les pays, sous quelque idéologie que ce soit, des situations où tout discernement est subjugué par l’engouement de certains milieux et l’emprise des moyens de communication. Nos désirs sont également fortement sollicités par l’étalement des biens de consommation tout comme par les multiples modes de vie. La conscience est là, mais nous n’arrivons pas à lui donner pleinement la parole, tellement nous sommes absorbés par notre quotidien. Toutefois, elle n’en continue pas moins à nous questionner… Les Églises n’ont plus l’autorité morale pour nous dicter quoi faire ou ne pas faire. Elles n’arrivent plus à nous convaincre. Les lois n’ont plus qu’une valeur relative, valeur que nous négligeons bien souvent de prendre en considération… Les mœurs et coutumes, pour leur part, s’imposent de moins en moins comme références de vie. Les grands mouvements d’opinion demeurent toujours quelque peu suspects, étant donné le nombre de fois où ils nous ont conduits là où ne voulions pas aller.

Nous entrons donc dans une ère nouvelle où se confirme cette prophétie de Jérémie :

« Quand arrivera le temps, je réaliserai avec mon peuple une autre alliance : je mettrai ma Loi en son intérieur, je l’écrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et il sera mon peuple. Ils n’auront plus à s’enseigner mutuellement se disant les uns aux autres : connaissez-vous Yahvé ? Ils me connaîtront déjà tous, du plus grand au plus petit. » (Jér.31, v.33).


Chaque être humain porte en lui l’Esprit qui est au cœur de la conscience. Il appartient à chacun de le saisir tout autant que de s’y laisser saisir, de le discerner au travers de tout ce qui l’envahit et le sollicite. Nous ne pouvons plus reporter sur d’autres les responsabilités des décisions que nous prenons, des solidarités que nous assumons et des comportements que nous adoptons. D’où l’importance de disposer de certaines références pour discerner cette voix de la conscience, seule capable de nous conduire à la vérité, à la justice, à la liberté et au bonheur. « Tout m’est permis, mais tout ne me convient pas. » (Paul, 1 Cor, 6, 12).


[1] La forme masculine est utilisée uniquement dans le but d’alléger le texte et désigne aussi bien les femmes que les hommes

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