lundi 8 septembre 2008

LA SACRAMENTALITÉ DE LA VIE


Dans les religions chrétiennes la sacramentalité occupe une place importante. Pour résumer, Jésus de Nazareth aurait laissé des rites sacramentels par lesquels il communique ses grâces et ses bienfaits de salut. Ces derniers ont été précisés à travers les siècles pour devenir les sept sacrements qui définissent, en exclusivité, l’action salvifique du Christ dans le monde. Les autorités ecclésiales en sont évidemment les gestionnaires.

Cette approche de l’action salvifique du Christ dans le monde ne résiste plus au développement des connaissances bibliques, exégétiques, théologiques et historiques des dernières décennies. Le Jésus de Nazareth, dont la figure se rapproche de plus en plus de nous, a une action et un message qui nous orientent différemment sur la compréhension de sa présence dans le monde. C’est lui qui nous fait arriver aux plus petits, aux exclus, aux laissés pour compte en s’identifiant lui-même à ces derniers. « Ce que vous ferez aux plus petits des miens c’est à moi que vous le ferez. » C’est lui qui a encouragé ceux qui luttent pour la justice en les déclarants bienheureux dans les persécutions inévitables dont ils seront victimes. Chacune des béatitudes peut être prise en ce sens. Dans cette optique nous pourrions identifier sept actions par lesquels il agit dans le monde. Nous pourrions les appeler les sept sacrements de la Vie.

Il y a le sacrement de la JUSTICE qui agit à travers hommes et femmes pour que les richesses de la terre soient utilisées au bénéfice de l’ensemble de l’humanité, assurant les conditions de vie décente, l’éducation, les soins de santé, la paix pour tous. Il y a le sacrement de la VÉRITÉ qui lève les voiles sur les hypocrisies, les mensonges, les manipulations pour laisser apparaître la transparence. Il y a le sacrement de l’HUMILITÉ qui valorise et fait grandir ses semblables tout en donnant la force de reconnaître ses propres erreurs. Il y a le sacrement de la MISÉRICORDE qui fait revivre des relations blessées en pardonnant et en ouvrant à la réconciliation. Il y a le sacrement de la SOLIDARITÉ qui rapproche les personnes les unes des autres et permet d’être avec les plus délaissés. Il y a le sacrement de la FOI qui reconnaît les lois fondamentales de la nature, discerne l’action du Christ au service des valeurs humaines et spirituelles de chaque personne et communauté. Il y a enfin le sacrement de l’AMOUR qui unie les humains dans une relation qui les transforme en une communauté vivante et fraternelle.

Ces sept points sont autant de « bulles » porteuses de la grâce et révélatrices de l’action et du message de Jésus de Nazareth dans le monde. D’ailleurs, le jugement dernier que nous rapporte Mathieu (25,31-26) met particulièrement l’accent sur cette sacramentalité de la vie. Ils rejoignent également ce que les prophètes de l’A.T. ont constamment remis en avant plan des pratiques rituelles de la foi religieuse de leur époque.

« Cessez d'apporter de vaines offrandes : J'ai en horreur l'encens, Les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées ; Je ne puis voir le crime s'associer aux solennités. Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux ; Quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas : Vos mains sont pleines de sang. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, Protégez l'opprimé ; Faites droit à l'orphelin, Défendez la veuve. (Is.1, 13-17) »


Celui qui marche dans la justice, Et qui parle selon la droiture, Qui méprise un gain acquis par extorsion, Qui secoue les mains pour ne pas accepter un présent, Qui ferme l'oreille pour ne pas entendre des propos sanguinaires, Et qui se bande les yeux pour ne pas voir le mal. Celui-là habitera dans des lieux élevés ; Des rochers fortifiés seront sa retraite ; Du pain lui sera donné, De l'eau lui sera assurée. » (Is.33 :15-16)

Mais malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, et qui joignent champ à champ, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace, et qu'ils habitent seuls au milieu du pays ! Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, Qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, Qui changent l'amertume en douceur, et la douceur en amertume; Qui justifient le coupable pour un présent, Et enlèvent aux innocents leurs droits ! Malheur à ceux qui prononcent des ordonnances iniques, Et à ceux qui transcrivent des arrêts injustes, pour refuser justice aux pauvres, et ravir leur droit aux malheureux de mon peuple, pour faire des veuves leur proie, et des orphelins leur butin ! (Is.5-10)

« Rends-moi justice, ô Dieu, défends ma cause contre une nation infidèle! Délivre-moi des hommes de fraude et d’iniquité! Sois vainqueur, monte sur ton char, défends la vérité, la douceur et la justice, et que ta droite se signale par de merveilleux exploits. (Ps.43 :1;45 :4) »

« Ainsi parle l'Éternel : Pratiquez la justice et l'équité ; délivrez l'opprimé des mains de l'oppresseur ; ne maltraitez pas l'étranger, l'orphelin et la veuve ; n'usez pas de violence, et ne répandez point de sang innocent dans ce lieu.@ (Jér.22 :3)

Pour conclure, il ne fait aucun doute que l’institution ecclésiale telle qu’elle existe actuellement se doit de faire une véritable conversion pour rejoindre l’action bien vivante du Ressuscité et de son Esprit dans le monde. Ces derniers sont toujours là à la Tête de l’Église distribuant les dons selon leur volonté.

« Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut. Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il du Christ. Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit. » 1 Cor.12,11)

S’il y a ceux et celles qui s’identifient toujours à l’institution ecclésiale, il y en a d’autres, sans doute encore beaucoup plus nombreux, qui témoignent par leurs engagements de cette sacramentalité dans le monde. Ils auront peut-être la surprise de leur vie lorsque le Juge suprême leur dira, « venez les bénis de mon Père, ce que vous avez fait pour la JUSTICE, la VÉRITÉ, l’HUMILITÉ, la MISÉRICORDE, la SOLIDARITÉ, la FOI dans la vie, l’AMOUR, vous l’avez fait pour moi. J’étais là avec vous et vous avec moi. »

Il est urgent que soit repensé la sacramentalité rituelle dans le cadre et au service de cette sacramentalité de la vie. Aux apôtres qui regardaient toujours vers le ciel après l’ascension de Jésus, un ange vint leur dire d’aller en Galilée, que là ils l’y rencontreraient. La Galilée d’aujourd’hui c’est le monde où vivent plus de 6 milliards d’humains. Il est toujours là. « Vous le verrez en Galilée » ainsi que « Il est vivant » d’André Dumont, omi, chantent bien cette réalité

Oscar Fortin
5 septembre 2008

lundi 1 septembre 2008

APÔTRES ET PROPHÈTES SONT LES FONDATIONS DE L'ÉGLISE



Si je demandais à l’ensemble des chrétiens « QUI SONT LES FONDATIONS DE L’ÉGLISE », il est fort probable qu’un bon nombre répondrait que ce sont les apôtres et leurs successeurs, ceux-là mêmes qui ont reçu pour mission de porter le message de Jésus et de son Évangile jusqu’aux confins de la terre. À n’en pas douter ce serait également la réponse de plusieurs pasteurs, quelque soit les niveaux hiérarchiques où ils se trouvent. Mais voilà que Paul, cet apôtre qui a établi les bases des premières communautés chrétiennes, donnant vie à l’institution ecclésiale, nous dit que les apôtres ne sont pas seuls, qu’il y a un autre partenaire tout aussi important, les prophètes. Ainsi, selon Paul, les apôtres avec les prophètes constituent les fondations de l’Église dont la pierre d’angle est Jésus lui-même. S’adressant aux chrétiens d’Éphèse, il a ces propos au sujet de l’édification de l’Église:


« Vous êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes, et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. 21 C'est lui qui assure la solidité de toute la construction et la fait s'élever pour former un temple saint consacré au Seigneur. » (Ép. 2,20-21)




Cette référence de Paul aux apôtres et aux prophètes n’est pas sans rappeler la présence du prophète Élie et celle de Moïse lors de la transfiguration de Jésus. (Mc. 9, 2-4) Moïse n’est-il pas celui qui représente la Loi alors qu’Élie, représente le prophète qui révèle le sens et l’esprit de la Loi? Ainsi, la Loi sans la présence du prophète devient vite « lettre morte » alors que la prophétie sans enracinement dans l’esprit de la Loi devient vite charlatanisme?



Jésus, par rapport au Sanhédrin et aux grands prêtres qui en assumaient la direction, ne s’est-il pas fait prophète en rappelant sans cesse le sens à donner à la Loi révélée par Dieu qui ne peut, en aucun moment, être confondue avec les lois établies par les grands-prêtres eux-mêmes? Ainsi, l’homme n’est pas au service du sabbat, mais le sabbat au service de l’homme; il n’est pas venu pour sauver ceux qui se croient parfaits, mais ceux qui se savent pécheurs; le commandement de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain renferment toute la loi et les prophètes. Ce sont là des correctifs que seul le prophète peut apporter et que l’apôtre doit prendre en compte.


Si la présence d’apôtres dans l’institution ecclésiale ne fait pas de doute, il n’en va pas de même pour la présence des prophètes. En effet, quelle est la place qu’ils y occupent en tant qu’un des deux piliers de l’Église ? Ils sont évidemment présents un peu partout dans les communautés de base, dans les divers milieux ecclésiaux, dans les universités, mais qu’elle place leur reconnaît-on, en tant que prophètes, dans l’organisation et la vie de l’Église? Constituent-ils une référence aussi digne que celle des apôtres? Leur donne-t-on la parole dans les instances les plus élevées du pouvoir? Peuvent-ils s’improviser et prendre eux-mêmes la parole dans ces mêmes milieux sans devoir demander la permission et encore moins demander ce qu’ils doivent dire ou pas? Pourrait-on imaginer un conclave composé d’autant de prophètes que d’apôtres?


Comment peut-on discerner le vrai prophète du charlatan? Déjà Paul nous donne quelques indices, d’abord que sa parole « soit en accord avec la foi » (Rm. 12,6), et en second lieu que la communauté des croyants y reconnaisse la foi qui les fait vivre. « Quant aux prophéties, dit Paul, que deux ou trois prennent la parole et que les autres jugent… » (1Cor. 14,29). À ces indices, nous pourrions ajouter que les véritables prophètes sont profondément engagés dans leur foi, témoignent par leur vie des valeurs du détachement, du partage, du don de soi allant parfois jusqu’à la mort. Leur parole n’est pas monnayable pas plus que leur vie.


Pour n’en citer que quelques uns je mentionnerai l’abbé Pierre, maintenant décédé, qui a rappelé au Sanhédrin d’aujourd’hui que l’Église ne se vivait pas dans la sacristie mais dans les quartiers pauvres avec les sans abris. Dans cette même lancée nous pouvons mentionner ces prophètes en Amérique latine qui ont décloisonné la théologie traditionnelle pour en faire une Parole vivante de libération et de salut au service des plus démunis. C’est évidemment le cas de Mgr Romero et de Dom Elder Camara, mais aussi du père Ernesto Cardenal, et de la grande majorité des théologiens de la libération, dont plusieurs ont été assassinés. Plus près de nous, il y a Jean Vanier, ce témoin vivant de Jésus dans notre monde. Il partage sa vie avec des handicapés intellectuels et en leur nom et au nom de Jésus, il prend la parole pour rappeler là où est Dieu et là où il se laisse rencontrer. Chacun peut poursuivre en identifiant ces vrais prophètes qui sillonnent les quartiers de nos cités et qui prennent la parole.


L’histoire nous confirme malheureusement que ces prophètes sont souvent mis à l’écart, persécutés et, dans certains cas, exécutés sous les regards silencieux de ceux-là mêmes avec qui ils partagent les fondations de l’Église. De quoi faire réfléchir le Pape, les Évêques, les prêtres et tous les croyants. Sommes-nous de ceux qui faisons taire les prophètes ou de ceux qui, comme Nicodème, s’en approchons pour mieux comprendre le sens de ce que nous vivons ? L’institution ecclésiale leur laisse-t-elle l’espace qui leur permet d’exercer pleinement leur fonction? Il est évident qu’ils ne relèvent pas des apôtres pas plus que les apôtres d’eux, mais de Jésus, pierre d’angle de l’Église.



N’est-ce pas en s’ouvrant aux messages des prophètes que l’Église retrouvera toute sa vitalité? Les communautés chrétiennes des cinq continents ne pourraient-elles pas identifier elles-mêmes ces prophètes porteurs d’un message qui révèle le sens de l’engagement chrétien pour les temps que nous vivons? Ainsi nous pourrions avoir 122 cardinaux et 122 prophètes pour choisir le successeur de Pierre. De quoi donner de l’Église une toute autre image. Le seul fait de penser que les communautés chrétiennes soient mises à contribution dans la délégation des prophètes, comme le suggère Paul lorsqu’il dit « que les croyants jugent », donne immédiatement une idée de l’ouverture à une nouvelle ère d’Église.



Oscar Fortin

PRENDRE LA PAROLE AU NOM DE LA FOI EN JÉSUS DE NAZARETH



Bien rares sont les institutions dont les membres disposent d’une source d’autorité qui transcende toutes les autres formes d’autorité dont peut se doter une organisation. C’est bel et bien le cas des croyants en qui l’Esprit de Jésus agit. C’est Lui qui est, comme le dit Paul aux Colossiens (1,18), « la Tête du corps, qui est l’Église ». Il est le Seul à avoir l’autorité absolue et à dispenser ses dons selon un ordre qui échappe à toutes les autres autorités dont l’Institution a pu se doter. « À chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ (…). Et c’est Lui qui a donné certains comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres encore comme évangélistes, d’autres enfin comme pasteurs et chargés de l’enseignement, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ… » (Éphésiens, 4,7-13).

Nous pourrions multiplier les citations bibliques mettant clairement en évidence le fait que Jésus et son Esprit demeurent toujours très actifs, qu’ils agissent comme ils l’entendent, sans devoir demander la permission à qui que ce soit. Lorsqu’ils ont fait de Paul un apôtre, ils n’ont pas consulté Pierre pas plus que les autres apôtres. Il en fut de même lorsque Jésus ressuscité envoya son Esprit sur les nations païennes. Pierre n'eut rien de plus à faire que de les reconnaître : « Quelqu’un pourrait-il empêcher de baptiser par l’eau ces gens qui, tout comme nous, ont reçu l’Esprit-Saint ? » (Act. 10, 44-48). L’Église n’est-elle pas d’abord et avant tout la réunion de ses membres, réunis dans un seul corps par l’Esprit ? Chacun agit alors selon la grâce qui lui a été accordée. « Est-ce le don de prophétie, qu’on l’exerce en accord avec la foi ? L’un a-t-il le don de service ? Qu’il serve. L’autre celui d’enseigner ? Qu’il enseigne. Tel autre celui d’exhorter ? Qu’il exhorte. » (Rm.12, 4-10). Pierre, alors qu’il arrive au terme de sa vie, exhorte ceux qui, comme lui, ont des responsabilités de pasteurs. Il leur dit dans quel esprit ils doivent les assumer :

« Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec l'élan du cœur ; non pas en faisant les seigneurs à l'égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau. » (1 Pierre 5,1-2)

Deux mille ans se sont écoulés depuis ces origines des premières communautés chrétiennes à aujourd’hui. Un long parcours qui a donné naissance à un gouvernement ecclésial qui s’est progressivement approprié l’ensemble des dons de l’Esprit et le pouvoir d’en disposer selon ses propres critères de discernement. Ainsi, aujourd’hui, qui pense Église pense Vatican. S’il y a des voix prophétiques qui se font entendre en dehors de son contrôle et sur des sujets qui la questionnent, le Vatican les soumet à procès, les condamne ou les excommunie. Loin de retrouver l’attitude de Pierre devant l’arrivée de Paul et de celle des païens, l’autorité vaticane s’arroge l’exclusivité du pouvoir de l’Esprit-Saint et décide selon ses convenances de la distribution de ses dons. Il en va ainsi pour le choix du pape, celui des cardinaux, des évêques, etc. Il a le contrôle de « l’agenda du mystère du salut ». Nous nous retrouvons avec une Église complètement prise en charge par ceux qui la dirigent (son gouvernement). L’autorité du Ressuscité, Tête de l’Église, est complètement absorbée par la personne du pape. La grande majorité des croyants oublient que le Christ et son Esprit sont tout aussi présents en eux qu’ils ne le sont dans la personne du pape et de ceux qui l’entourent. Nous partageons tous dans le Corps qu’est l’Église un même Esprit dont personne n’a l’exclusivité. Paul en ajoute en disant que l’Église s’édifie sur deux fondations aussi importantes l’une que l’autre, celle des apôtres et celle des prophètes, ces derniers n’étant pas les créatures des premiers.

« Vous êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes, et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. 21 C'est lui qui assure la solidité de toute la construction k et la fait s'élever pour former un temple saint consacré au Seigneur. »

Il est donc devenu urgent de reprendre la parole pour donner une voix à l’Esprit qui parle et agit en chacun de nous, selon le don et la grâce de Dieu. Pour ceux qui s’inquiètent du bon discernement de chacun, y incluant celui des autorités vaticanes, la communauté des croyants sera toujours là pour l’assurer dans la foi. Nous ne sommes plus seuls : le Christ et l’Esprit-Saint vivent en nous, c’est notre foi et notre liberté. N’est-ce pas là un appel à l’écoute de ceux et celles qui prennent la parole, ces prophètes des temps modernes, pour que l’Esprit nous éclaire dans notre propre foi?

dimanche 31 août 2008

CONSCIENCE ET DISCERNEMENT



« Au-dessus du pape en tant qu’expression de l’autorité ecclésiale, il y a la conscience à laquelle il faut d’abord obéir, au besoin même à l’encontre des demandes de l’autorité de l’Église ». (Joseph Ratzinger alias Benoît XVI, 1967)



Le troisième millénaire s’ouvre sur un horizon où la conscience personnelle sera à la source des décisions, des attitudes et des comportements qui s’inscrivent dans le quotidien de la vie des individus et des peuples. On se référera de moins en moins aux institutions sociales, juridiques, politiques, religieuses et idéologiques pour fixer et encadrer nos vies. Elles n’ont plus la crédibilité nécessaire pour imposer quelque vision que ce soit du bien et du mal. Leur discrédit historique leur a enlevé ce pouvoir. Les hommes et les femmes du troisième millénaire trouveront en leur âme et conscience les fondements de leurs décisions et de leurs engagements. Ils en seront pleinement responsables.

Aujourd’hui, plus que par le passé, nous réalisons les limites de tout encadrement extérieur. L’histoire nous révèle, en effet, comment les multiples formes d’encadrement ont été le plus souvent ou très souvent des lieux privilégiés d’abus de pouvoir et de manipulation des esprits, des chasses gardées d’ambitieux, d’hypocrites et de dominateurs. Dans bien des cas, les temples, bâtis de mains d’homme comme sont les hiérarchies politiques, économiques, ecclésiales, sociales et culturelles, s’emparent subtilement des consciences individuelles et collectives comme pour mieux les manipuler. Sous l’emprise de ces dernières nous avons tous et toutes
[1] été, à la fois et à divers degrés, victimes et solidaires de crimes et d’horreurs commis contre l’humanité. Les gouvernements que nous soutenons, les religions que nous défendons, les organismes que nous appuyons ont tous les mains souillées de quelques crimes ou d’injustices. Si nous avons des réquisitoires à présenter pour les offenses reçues, nous avons également des pardons à demander pour des fautes commises par l’une ou l’autre de ces institutions dont nous nous affirmons solidaires.

La conscience crie en chacun de nous quelque chose qui s’impose comme une force qui interpelle, comme une passion qui pousse à agir. À la manière de Socrate (Apologie), nous entendons la voix du dieu qui nous invite sur le chemin de la Vérité qui libère des apparats et des faux-fuyants. À la manière de Jérémie et d’Isaïe, nous entendons la voix de Yahvé qui dit de nous préoccuper davantage du culte qui consiste à apprendre à faire le bien, à chercher ce qui est juste, à assurer les droits à l’opprimé, à faire justice à l’orphelin, à défendre la veuve et l’étranger (Is.1, 17 ; Jr. 22,3). À la manière de Jésus, nous entendons le sermon sur la montagne qui nous ramène aux choses essentielles de la vie. Saint Paul ne nous dit-il pas que nous sommes le temple de l’Esprit-Saint qui est en nous et qui nous vient de Dieu (1 Cor.6, 19) ? Ce langage, qui remonte à plusieurs millénaires, a constamment été repris par les sages et les prophètes de tous les temps et, d’une certaine manière, par la conscience qui veille en chacun de nous. Il nous rappelle ces vérités fondamentales auxquelles l’humanité tout entière est conviée.

En ce début du troisième millénaire, nous sommes évidemment sollicités de tout bord et de tout côté. Notre regard ne peut plus se contenter de son petit horizon. Les moyens de communication nous confrontent et nous interpellent quotidiennement par rapport à ce qui se passe dans le monde. Nos solidarités sont constamment interpellées et, bien souvent, nous sommes pris au piège de causes qui n’ont rien à voir avec nos véritables intentions. La force des médias et la subtilité des messages parviennent, habilement, à nous convaincre. Que l’on pense à l’histoire du petit Cubain, Elian, que l’opposition cubaine à Miami, avec l’appui des médias, est parvenue à convertir en un mouvement politico-religieux. Comment, en pareille situation, trouver les critères et les références qui permettent le discernement des vraies solidarités humaines ? Nous pourrions relever, dans tous les pays, sous quelque idéologie que ce soit, des situations où tout discernement est subjugué par l’engouement de certains milieux et l’emprise des moyens de communication. Nos désirs sont également fortement sollicités par l’étalement des biens de consommation tout comme par les multiples modes de vie. La conscience est là, mais nous n’arrivons pas à lui donner pleinement la parole, tellement nous sommes absorbés par notre quotidien. Toutefois, elle n’en continue pas moins à nous questionner… Les Églises n’ont plus l’autorité morale pour nous dicter quoi faire ou ne pas faire. Elles n’arrivent plus à nous convaincre. Les lois n’ont plus qu’une valeur relative, valeur que nous négligeons bien souvent de prendre en considération… Les mœurs et coutumes, pour leur part, s’imposent de moins en moins comme références de vie. Les grands mouvements d’opinion demeurent toujours quelque peu suspects, étant donné le nombre de fois où ils nous ont conduits là où ne voulions pas aller.

Nous entrons donc dans une ère nouvelle où se confirme cette prophétie de Jérémie :

« Quand arrivera le temps, je réaliserai avec mon peuple une autre alliance : je mettrai ma Loi en son intérieur, je l’écrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et il sera mon peuple. Ils n’auront plus à s’enseigner mutuellement se disant les uns aux autres : connaissez-vous Yahvé ? Ils me connaîtront déjà tous, du plus grand au plus petit. » (Jér.31, v.33).


Chaque être humain porte en lui l’Esprit qui est au cœur de la conscience. Il appartient à chacun de le saisir tout autant que de s’y laisser saisir, de le discerner au travers de tout ce qui l’envahit et le sollicite. Nous ne pouvons plus reporter sur d’autres les responsabilités des décisions que nous prenons, des solidarités que nous assumons et des comportements que nous adoptons. D’où l’importance de disposer de certaines références pour discerner cette voix de la conscience, seule capable de nous conduire à la vérité, à la justice, à la liberté et au bonheur. « Tout m’est permis, mais tout ne me convient pas. » (Paul, 1 Cor, 6, 12).


[1] La forme masculine est utilisée uniquement dans le but d’alléger le texte et désigne aussi bien les femmes que les hommes

AVANT-PROPOS

Les églises se vident, mais rien ne nous dit que la foi s’en va. Beaucoup de croyants ne se reconnaissent tout simplement plus dans le cadre actuel de l’Église institutionnelle. Certains autres n’y trouvent tout simplement plus leur place. Pourtant, Jésus de Nazareth et les Évangiles qui en témoignent demeurent bien présents dans l’esprit et le cœur d’une grande majorité de ces personnes. Ils sont cette Église « hors des murs » que l’on pourrait également appelée l’Église de la diaspora, dispersée dans les multiples milieux de vie.

Ces MÉDITATIONS INACHEVÉES se veulent un point de départ pour alimenter la réflexion et permettre à ces croyants et croyantes qui vivent en marge de l’Église institutionnelle d’approfondir leur foi et d’y trouver ce lien profond qui les unit à l’Église universelle, ce Corps vivant dont le Christ ressuscité est la TÊTE. Il appartiendra à chaque lecteur et lectrice de compléter ces méditations à partir de son propre vécu et de cette foi qui l’interpelle selon le don de l’Esprit.

Ces MÉDITATIONS INACHEVÉES s’adressent également à tous les pratiquants institutionnels qui vivent une foi profonde, mais dont il leur est difficile de comprendre les comportements de ceux et celles qui délaissent nombre de ces pratiques sans pour autant délaisser leur foi. Elles seront, pour plusieurs, l’occasion d’approfondir certains aspects de la vie de foi et de l’engagement de l’Église dans le monde. Elles pourront, à l’occasion, être une source de renouvellement de cette même foi dans le sens d’un engagement encore plus concret dans leur milieu de vie.

Ce partage, je le fais le plus simplement du monde et sans aucune prétention. Mes expériences de vie m’ont conduit à approfondir diverses facettes de cette foi qui ne m’a jamais abandonné, même dans les moments les plus sombres de ma vie. J’y ai toujours trouvé lumière et réconfort. Il y a eu ces années d’enthousiasme (1960-1969) qui m’ont conduit à la vie religieuse et au sacerdoce. Ce furent des années qui m’ont fait vivre Vatican II, les premières réorganisations des communautés religieuses et l’élan d’une nouvelle forme d’engagement sacerdotal dans la société. Vinrent par la suite des années toutes aussi emballantes, celles d’un engagement missionnaire en Amérique latine (1969-1972), particulièrement au Chili au moment de la prise du pouvoir par le grand démocrate Salvador Allende. J’y ai travaillé comme curé d’une paroisse en milieu défavorisé jusqu’à la fin de 1971. C’était les années où prenaient forme la théologie de la libération et les premières expériences des communautés de base. Des problèmes d’orientation pastorale avec mon évêque ont conduit les autorités oblates à me suggérer un retour au Canada. J’en ai alors profité pour étudier les sciences politiques et participer à l’activité de divers organismes de coopération internationale (1972-1977). Tout en obtenant une Maitrise dans cette discipline, j’ai occupé divers postes à SUCO, OXFAM-QUÉBEC, CARREFOUR TIER-MONDE. Suite au coup d’État militaire (1973) qui renversa le gouvernement démocratique de Salvador Allende, je me suis associé au Comité Québec-Chili pour promouvoir auprès du Gouvernement canadien l’accueil des réfugiés politiques en provenance de ce pays. Son empressement n’était pas aussi grand que lorsqu’il s’agissait de recevoir les réfugiés des pays de l’Est.

En 1977, je suis invité à me joindre au cabinet politique du Ministre des Affaires culturelles et des Communications du Québec sous la responsabilité de Louis O’neill. Une année plus tard je laissais la communauté des Oblats et informais par la même occasion les autorités ecclésiales, ma famille et amis de mon changement de statut. En 1978, je me mariais. De cette union naîtront deux filles dont l’une, mon ainée, me donnera un premier petit fils. Ce fut une période où l’essentiel de mon travail s’est réalisé au ministère des Relations internationales du gouvernement du Québec. En 1999, j’ai pris ma retraite et au début de 2008, ma conjointe m’annonce, après 30 ans de vie commune, sa décision de divorcer. S’ouvre alors une nouvelle page sur la recherche constante de la volonté de Celui qui habite nos vies. Un vécu, donc, qui n’a rien de la perfection, mais qui me rapproche toutefois de nombreux croyants à la recherche de cette même Volonté du Père. C’est ce qui donne à ces MÉDITATIONS un ton particulier.

Il faut donc lire ces méditations comme le regard d’un croyant en marche dans un monde aux multiples facettes et soucieux d’être le plus près possible de l’Esprit de ce Jésus de Nazareth. J’ose espérer que ce soit ce même Esprit qui inspire et guide votre démarche. Ne sommes-nous pas tous appelés à vivre de l’amour miséricordieux du Père qui nous veut tous et toutes près de lui. Il nous veut également engagés avec Lui dans cette œuvre du Royaume à bâtir et à réaliser, cette Humanité vivant de justice, de vérité, de paix et d’amour.
Je publierai chacune de ces méditations qui m'ont été inspirées par le quotidien de la vie et de l'actualité. Il vous appartiendra d'en poursuivre la réflexion à la lumière de votre propre vécu.
oscar fortin
UNE ESPÉRANCE

POUR

L’ÉGLISE HORS DES MURS







MÉDITATIONS INACHEVÉES




PAR



OSCAR FORTIN


août 2008